Maman

Entre les arbres sombres d'un printemps humide, elle se fond. Beaucoup trop grande pour être réellement visible, discrète, à l'égal de ses congénères, elle est là. Campée sur ses très longues pattes, immobile, elle attend. Pas menaçante, tranquille. Magnifique.
On ne peut pas ne pas penser à elle sans son nom, comme l'a choisi Louise Bourgeois : Maman. L' ambiguïté règne, la notre y compris . Peur, répugnance ou séduction, étonnement.... admiration ?
Maman.... celle qui tisse les liens familiaux , qui tisse la toile, la trame familiale. Maman qui protège. Louise bourgeois ne le dit pas...mais ne pourrait elle pas manger papa ? Le père blessant que l'artiste détruira symboliquement avec une oeuvre : Destruction of the father; Une oeuvre ( actuellement à l'exposition du centre Pompidou ) cannibale , comme une mâchoire..
Ce qui est extraordinaire c'est qu'autour de cette araignée géante, les passants circulent tranquillement et que beaucoup d'entre eux ne la voit pas.


Mais "maman" ne doit pas nous empêcher d'aller voir une autre oeuvre de l'artiste, disposée devant le musée du jeu de paume. Un ensemble de blocs de Granit sur lesquels reposent des mains de bronze. De magnifiques mains qui se touchent, s'étreignent, se serrent....et nous rappelle que l'aspect conceptuel de certaines oeuvres ne doit pas nous faire oublier que l'artiste est sculpteur, que le geste, le talent, est là, qu'il donne de l'émotion au bronze et encore nous parle du lien, de la rencontre, du besoin de l'autre.

Louise Bourgeois

On l'attendait depuis longtemps. Des oeuvres aperçues de temps à autre lors d'expositions diverses...Mais jamais une réelle approche ,une confrontation avec l'oeuvre de Madame Louise Bourgeois. C'est fait; Apres les US , après Londres l'expo est arrivée au centre Pompidou. Sculptures installations au 6 ieme , dessins au cabinet d'art graphique au 4 ieme et "Maman" l'araignée monumentale dans les jardins des Tuileries.
Difficile d'aborder ce travail par pure curiosité . une oeuvre qui ne cherche pas à séduire , mais l'expression profonde d'un travail sur soi, la mémoire, la famille,l'identité, le sexe, les blessures de l'enfance. Louise Bourgeois qui a fait un parcours analytique nous invite a participer à la mise en expression plastique de ce travail . On l'a écrit " une vieille dame qui dérange" . Impossible de s'ouvrir à cette expression sans accepter les méandres de l'inconscient: le sien le notre; Bronzes, sculptures de cires ou de tissu , espaces clos ( paravents faits de portes assemblées ) l'exposition montre la richesse et la variété de cette oeuvre si particulière .
À noter : les petites fiches explicatives qui nous guident dans notre lecture et nous facilitent l'approche des oeuvres ( mais pourquoi donc les avoir accrochées si bas!!!) À écouter ,si vous trouvez de la place sur les fauteuils , les propos de l'artistes dans le film montré à l'entrée . Autant de clefs ,d'éclairages .
Pour ceux qui se posent la question de la création, je rappellerai la première lettre de Rainer Maria Rilke dans "Lettres à un jeune poète ": " n'accusez pas votre quotidien d'être trop pauvre, accusez vous vous même de ne pas savoir en appeler à vous toutes les richesses"" Nous avons tous un passé, une enfance, une vie matière d'expression . Louise Bourgeois nous le démontre avec force en plongeant en elle même questionner le sens des événements, de l'histoire.
pour les amateurs d'esthétique, de plaisir des yeux, quelques très belles oeuvres. Je pense particulièrement à "l'arc d'hystérie" que nous avion déjà pu admirer dans la magnifique exposition "Parade" au grand palais,.
Bon, d'accord, on est pas tous obligés de mettre en scène nos méandres intérieurs , mais il serait dommage de ne pas profiter d'une telle opportunité de découvrir l'ouverture que représente un tel travail . Une ouverture sur une forme d'expression artistique contemporaine et en même temps sur l'homme dans sa complexité .


Pour ceux que tenterait une exposition plus légère ,une mise en valeur du dessin : à partir de ce soir 5 dessinateurs exposent chez Thibault de Chastenet au 38 rue La Bruyère 75009 .L 'occasion de retrouver entre autres les très belles pages de carnets de Marcus Mc Allister .Je vous en dirais plus demain, après le vernissage.